CLAUDE LAMBERT, 22 ans de compétition en side car!

Par Pierre FAURE

Mai 2016

Il y a deux ans, au printemps 2014, quelque temps après notre épreuve VENTOUX CLASSIC, j'avais demandé à Claude LAMBERT s'il voulait bien être un membre d'honneur de notre club.

Il avait accepté avec joie et depuis, nous nous rencontrions régulièrement.

J'avais évoqué avec lui mon souhait mettre en ligne, sur notre site, une page sur sa carrière et il m'avait fait passer pas mal de photos qu'il avait soigneusement scannées et rangées par année.

Je lui avais promis de faire cette page dès que je le pourrais, afin qu'il puisse la voir et la corriger si nécessaire.

Malheureusement, j'ai trop tardé et il est parti trop vite, ce funeste 1er Mai 2016.

Une semaine plus tôt, c'était notre traditionnelle Montée Historique VENTOUX CLASSIC et les habitués avaient noté l'absence de Claude qui se faisait pourtant chaque année une joie de venir assister à cette démonstration.

Mais il m'avait prévenu qu'il devait rentrer le dimanche soir à l'hôpital pour se faire poser une prothèse de hanche car il avait de plus en plus de difficultés à se déplacer. Cette opération aurait du lui permettre d'améliorer sa vie, malheureusement des complications post opératoires en ont décidé autrement.

Claude venait d'avoir 85 ans.

 

Pour lui rendre un hommage posthume, voici donc sa longue carrière retracée en images avec les documents qu'il m'avait transmis.

Claude LAMBERT est né à Genève le 1er Avril 1931.

C'est en assistant, avec son père, au Grand Prix de Suisse à Berne en 1937 qu'il attrape, malgré son très jeune âge, le virus de la moto.

Il enfourche sa première moto en 1949, en effectuant son service militaire comme estafette sur une 600 CONDOR.

Il est attiré par la course et commence à courir en 1952, en solo et en side car.

En solo, il roule sur une GILERA 125 Sport modifiée de l'importateur Suisse FAROPPA.

Course de Cote de Montheron où il finit 6ème

En side car, il est le passager d'André REICHLIN,  Champion de Suisse National en 1949, qui utilise un attelage NORTON MANX.

Circuit de Porrentruy (2ème)

A l'issue de cette saison 52, l'équipage REICHLIN / LAMBERT est vice Champion de Suisse en International.

En 1953, il continue a courir dans les deux catégories, mais change de machine en 125.

Il utilise maintenant une MV 2 temps rachetée au pilote Français Georges BURGGRAF.

Je n'ai malheureusement pas de photos de cette année mais voici les courses auxquelles a participé Claude.

Pour la saison 1954, il change de catégorie en solo avec une NORTON MANX 500 ex REICHLIN, un pilote avec lequel il continue à courir le plupart du temps en side car comme passager (Au Grand Prix de Berne sur la photo ci dessous)

Il court souvent le même jour dans les deux catégories. Sur la photo ci-dessous, prise à Bourg en Bresse,  il est à droite, sur sa MANX Solo. Derrière le side NORTON, c'est Ferdinand AUBERT dont il va bientôt devenir le passager.

En solo 500 il réalise une excellente saison, gagnant en particulier à Porrentruy, et termine second du Championnat National Suisse.

Voici deux photos de sa victoire.

Concernant la saison 1955 et les suivantes, voici ce que m'écrivait Claude en m'envoyant ses photos:

"En 55, c'est en 350 cc Norton que je cours en solo et avec Edgar Strub en side-car comme passager.

La saison se termine très mal car l'accident des 24 h. du Mans fait interdire les courses en circuit sur presque toute l'Europe et c'est la faillite momentanée avec la vente de la 350.

Pendant 3 ans, quelques courses en passager avec Strub et Ferdinand Aubert et sur des Puchs de l'importateur Suisse pour les courses de côte car les côtes ne sont pas interdites en Suisse comme les  circuits qui ne reverront jamais je jour".

C

Circuit de Pau avec la MANX 350 ex TAVERI et HALDEMANN

Circuit de Reggensdorf en passager de Ferdinand AUBERT. Ils gagnent l'épreuve.

Voici maintenant des photos des saisons 1956, 1957 et 1958.

Course de Cote de Gimel avec la 125 PUCH (1956 ou 1957)

A ses cotés son grand copain Roger LAYDEVANT.

Course de Cote de Laffrey avec Ferdinand AUBERT (1956). Ils remportent l'épreuve.

1956 Grand Prix d'Autriche avec Edgar STRUB.

Cette épreuve n'est pas répertoriée dans les listes établies par Claude mais il me l'a envoyée avec cette légende.

Peut être à la Course de Cote de la Faucille, en 1957 avec Edgar STRUB qui, suivant les tracés, attelait son side à droite ou à gauche

Quand on regarde ce tableau, on voit que fin 1958, à la Course de Cote de Verbois, c'est le nom de LAMBERT qui figure en première place dans le tandem pilote / passager.

Claude vient en effet de construire son premier side à moteur GILERA Saturno et il débute sa longue et brillante carrière de pilote de 3 roues. 

Pour la saison 1959 il fait équipe avec "Fiston", de son vrai nom Gottfried RUFFENACHT, qui sera également un des passagers de Florian CAMATHIAS.

Jusqu'au mois d'Aout, il utilise le GILERA qui est totalement dépassé en terme de puissance, puis il achète un BMW RS, pas de première jeunesse toutefois.

Cette année 1959 marque le début de sa carrière internationale.

Il continue également à courir épisodiquement en solo sur la PUCH 175.

Avec le GILERA, au départ du Grand Prix d'Autriche 1959, sous la pluie, à Salzburg.

Grosse attaque en cote, à Ljubjana en Yougoslavie. Ils n'atteindront pas l'arrivée suite à une erreur de "Fiston"

Course de Cote de La Faucille, une des premières courses avec le BMW RS.

Course de Cote de la Clusaz avec la 175 PUCH.

En fin de saison le tandem LAMBERT / "FISTON" décroche le titre de Champion de Suisse International.

Saison 1960. Voici ce que m'écrivait Claude:

"1960 Le grand bain dans le Continental avec un nouveau passager jusqu'en aoüt et ma femme Marie-Laure depuis septembre.

2 photos, une au TT  avec R Rûfenacht et une avec Marie-Laure à Genova. La vie d'un privé était très difficile à cette époque"

TT 1960 avec Rodolphe RUFFENACHT comme passager

Sachsenring avec Rodolphe RUFFENART

A partir de Septembre, il change de passager dans des conditions un peu particulières comme nous l'explique Roudy Grob dans le livre du Norton Sport Club de Genève "Un demi siècle d'histoire".

"...il (Claude Lambert) attend  patiemment que son passager du moment le rejoigne pour partir à Châtel St Denis pour la course de cote. Déjà l'heure du rendez vous est dépassée d'une heure lorsque Marie Laure, à bout de patience, lui annonce qu'elle sera désormais sa passagère. Sa résolution est totale et Claude se laisse convaincre, non sans réticence. C'est une révélation. Elle se montre tout à fait à la hauteur des passagers les plus chevronnés. Mieux encore, il s'avère qu'elle est une passagère excellente s'adaptant parfaitement, comme dans la vie, à la conduite de son mari pilote. C'est décidé: dorénavant ils feront équipe ensemble..."  

Au départ de la Course de Cote de Ponte Decimo (Genova) avec son épouse Marie Laure

A l'issue de la saison 1960, ils sont seconds du Championnat de Suisse International.

L'année 1961 commence bien pour le couple LAMBERT qui cours en Grands Prix et obtient de bons résultats, manquant de peu le point de la sixième place au Grand Prix de France sur le circuit de Charade, près de Clermont Ferrand. 

Plusieurs  photos de ce Grand Prix illustrent l'article de Bernard Salvat paru dans LVM N° 885 du 26 Mai 2016 en "Hommage à Claude LAMBERT"

Au Grand Prix d'Allemagne à Hockenheim, is terminent également 7ème.

En dehors des Grands Prix du Championnat du Monde, ils participent à plusieurs épreuves internationales avec d'excellents résultats comme à Bourg en Bresse (2ème)

Ou à St Wendel

Puis arrive le TT. Claude et Marie Laure sont souriants pendant qu'ils font les derniers réglages sur le BMW RS.

Mais lors de la course, au second tour, c'est le terrible accident.

Voici la description que l'on trouve dans le livre "Un demi siècle d'histoire" du Norton Sport Club de Genève:

"Subitement, en pleine course, Claude sent son attelage se dérober, se mettre en travers avant de se retourner. Marie Laure est éjectée et avant qu'elle ait le temps de réagir, elle est heurtée de plein fouet par le side qui les suit. La mort est instantanée. Claude se retrouve à l'hôpital, les deux jambes cassées, désespéré. Pour lui les courses sont terminées. A l'examen de l'épave du side, on établira qu'une rupture du cadre, due à une soudure défectueuse qu'il avait confiée à un spécialiste, est à l'origine de l'accident"

C'est un coup terrible pour Claude qui veut tout arrêter mais son beau père l'incite à poursuivre sa carrière comme l'aurait souhaité sa fille.

Il l'aide même à racheter le très bel attelage BMW RS du pilote lyonnais Jo ROGLIARDO, en photo ci dessous à Charade en 1961, qui vient de décider de mettre fin à sa carrière.

Claude teste l'attelage à le Course de Cote de Limonest Mont Verdun puis participe au circuit de Saragosse avec à nouveau "Fiston" comme passager.

Pour l'année 1962, je laisse la plume à Claude:

"Nous voici en 1962, certainement ma plus belle année, j'ai enfin un bon moteur et je pense avoir été le meilleur privé cette année:

4ème GP Autriche, 4ème au TT, 4ème au GP d'Allemagne, 5ème au GP de France

 Si j'avais eu Francis, j'aurais pu faire mieux car de tous mes passagers, c'est le seul qui est mécanicien et ça c'est très important"

Quand on connait le résultat de cette saison (6ème du Championnat du Monde en étant un véritable privé), on se dit que Claude était effectivement un sacré bon pilote, ce que m'a bien entendu confirmé Francis BOURDON.

Pour cette saison 62, son passager est Alfred HERZIG.

Le départ du Grand Prix d'Autriche, à Salzburg, où ils terminent 4ème. Je pense que Claude est en seconde ligne avec le N°10.

Au TT, ils terminent 4ème.

A Governor's Bridge

 Départ du grand prix d'Allemagne, sur le circuit de Solitude, où ils finissent une nouvelle fois 4ème avec, je pense, le N°42.

Enfin, au Grand Prix de France à Charade, c'est une cinquième place à l'arrivée( N° 93 )

Ils participent également à des Courses Internationales comme le Grand Prix de Bourg en Bresse

A l'issue de la saison 1962, le tandem LAMBERT / HERZIG termine 6ème du Championnat du Monde Side Car et Claude ne manque pas d'humour en évoquant l'aide qu'il a reçu de la part de l'usine BMW....

Saison 1963. Claude, comme pour la fin  de saison 62, a changé de passager et retrouve "Fiston" à ses cotés.

HERZIG court maintenant avec CAMATHIAS. 

Beau début de saison, puisque le duo gagne d'abord à Pau puis, 3 semaines plus tard, à Bourg en Bresse.

A noter que c'est à Pau que Francis BOURDON,  alors passager du side-cariste Avignonnais Maurice LAZARD, fait la connaissance du "Suisse LAMBERT" comme il l'appelle.

Le bouquet de la victoire à PAU.

Et le podium à Bourg, pensif, tète baissée.

Il court également en Allemagne, au Nurburgring

et à Hockenheim où se déroule la manche du Championnat du Monde. Il termine 6ème et marque son premier point de l'année.

Mais quelques jours plus tard, début juin, en grimpant à la corde pour se muscler, comme le lui a suggéré "Fiston", il est victime d'un accident stupide et se casse le col du fémur droit.

La saison est bien compromise et même terminée quand "Fiston", qui est coutumier des grosses bétises, perd la vie en faisant le pari de descendre un torrent alpin dans une baignoire. Un pari stupide surtout quand on ne sait pas nager...

Pour couronner le tout, Claude est obligé de vendre son attelage RS pour payer ses frais d'hospitalisation à la clinique d'Avignon où il a été soigné, car il ne veut être redevable à personne.

Au niveau familial, il quitte Genève pour venir s'installer à Tulette, un petit bourg de la Drôme, entre Bollène et Nyons où il s'installe comme agent BMW et

il se marie avec Raymonde avec laquelle il aura 3 enfants.

Il n'y a pas de saison 1964. Claude travaille sur un ancien châssis de STRUB sur lequel il avait été passager et dans lequel il installe un moteur R50.

La saison 1965 est largement entamée et Claude n'a toujours pas recouru.

Sa première épreuve de l'année, ce sera la Course de Cote du Mont Ventoux début juin, une montagne dont il est maintenant voisin.

Maurice LAZARD, le pilote de side car avignonnais qui a terminé second de la montée en 63 et 3ème en 64, propose à Claude de lui prêter de son attelage RS et son passager Francis BOURDON.

Sans attendre la réponse, Francis se rend à Tulette avec l'ensemble moteur-boite,  le transport du châssis étant prévu quelques jours plus tard.

Mais Claude refuse la proposition. Il ne veut pas être redevable.

Enfin, il refuse à moitié car il est d'accord pour prendre Francis avec lui.

Et pour leur première course ensemble et malgré le handicap de puissance du moteur R50, le duo gagne l'épreuve devant le Champion de France en titre, Joseph DUHEM au guidon d'un BMW RS.

Claude décide donc de continuer la saison avec le même matériel et le même passager.

A ce sujet, Francis m'a fait une confidence il y a quelques jours: "Aujourd'hui je me dis qu'il aurait peut être mieux valu qu'on se fasse battre largement ou qu'on casse. Claude aurait peut être alors accepté l'offre de LAZARD et on aurait eu un matériel qui nous aurait permis de nous battre avec les meilleurs. Mais avec le R50 qui rendait au moins 10 cv aux RS, et même si on l'avait bien amélioré ainsi que sa boite, il était difficile d'envisager un podium même si Claude était un des meilleurs pilotes"

Mais malgré ce matériel dépassé les résultats sont très honorables surtout en cote où la puissance pure parle moins.

Pour la saison 1966, il améliore encore le moteur R50 et continue avec Francis BOURDON comme passager.

En Grands Prix, le matériel est dépassé car le moindre RS développe au moins 10 cv de plus que le 500 culbuté.

On les voit ici au départ du Grand Prix de France sur le circuit de Charade, à coté de Clermont Ferrand, avec le N° 84. Ils termineront 13èmes.

Leur meilleur résultat sera encore une fois obtenu à la Course de Cote du Mont Ventoux où ils terminent 2ème.

Car malgré un temps amélioré de 11s par rapport à 65, Claude est battu par l'Allemand WOHLFART qui pilote un side attelé à droite et dans lequel il y a un très bon moteur Rennsport.

Au sujet du coté d'attelage des sides, Francis m'expliquait: " Dans les parties rapides du Ventoux, il y a beaucoup plus de virages à gauche. Donc tu es avantagé quand, comme pratiquement tous les Allemands, tu as le side à droite car tu n'as pas de risque de lever si tu es un peu trop rapide"  et d'ajouter avec un brin de nostalgie " Je suis sur que si on avait eu un side à droite, ce n'est pas 2 fois qu'on aurait gagné l'épreuve, mais peut être 4 ou 5 et si on avait eu un RS, alors là, on aurait gagné toutes les années..."

Mais le side est attelé à gauche, comme d'ailleurs tous ceux que va construire Claude, et le moteur n'est qu'un R50 S culbuté.

Pour la saison 1967, c'est un nouveau châssis mais toujours le R50 S.

A Bourg, le moteur explose, probablement trop sollicité.

Il sera réparé pour le Ventoux qui se déroule sous la pluie et dans le brouillard.

Dans ces conditions délicates le pilotage compense le manque de puissance et l'équipage LAMBERT / BOURDON a 13 s d'avance quand la magnéto déclare forfait. C'est l'abandon et la victoire revient au BMW RS des Allemands BUTSCHER / NEUMANN, des habitués des Grands Prix.

La saison s'achèvera avec deux victoires en Course de Cote mais, sur Circuit, même hors Championnat du Monde, l'équipe est loin des premières places.

En 1968, Claude et Francis se concentrent sur les Courses de Cote  et ne participent qu'à deux circuits en ville.

En cote, leurs résultats sont très honorables, même sur des épreuves rapides comme ici, à Ollon Villars en Suisse (4èmes).

Mais au Ventoux, ils sont à nouveau victimes d'un ennui mécanique,  cette fois aux essais.

Francis m'explique: "On est tombé en panne au niveau du Col des Tempètes, quelques centaines de mètres avant le sommet. On est monté à pied jusqu'en haut et on a fait du stop pour redescendre à Malaucène. Ce sont les frères Castella qui ont pris Claude jusqu'au village. Moi, je suis redescendu  avec TRACHSEL. Ensuite, on a refait du stop auprès des voitures. Il y a une Ferrari qui s'est arrêtée. Claude m'a dit: "Je la prends, je ne suis jamais monté dans une Ferrari". Moi je suis rentré dans une BMW 700, assis sur le réservoir d'essence qui était à la place du passager."

Le dimanche, les frères Castella seront récompensés de leur sportivité puisqu'il termineront seconds d'une épreuve gagnée une nouvelle fois par BUTSCHER.

Quant à LAMBERT et BOURDON, ils ne pourront faire mieux que 4èmes, derrière TRACHSEL, et à 25s de leur temps de 1966. Le R50 ne devait pas être au mieux de sa forme après sa réparation.

Sur la photo prise vers le Grozeau, Claude fait le 3ème homme sur le side BMW RS de Jean Claude et Albert CASTELLA.

La saison 1969 est plus fournie et le duo recommence à courir régulièrement sur circuit.

Parmi ceux ci, le TT ou Claude revient après plusieurs années d'absence.

Malheureusement, un problème d'alimentation électrique de la pompe à essence les contraint à l'abandon alors qu'ils avaient réalisé le 14ème temps des essais.